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Michel Joop van der Schoor : Explorer les utilisations potentielles des robots dans la région de Bruxelles-Capitale

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Léa Rogliano, Michel Joop van der Schoor

Quand les chercheurs et la société civile imaginent l’avenir de nos villes

En 2023, FARI – AI for the Common Good Institute, en collaboration avec Paradigm, a lancé une subvention à destination de ses laboratoires partenaires afin de stimuler l’implication citoyenne dans des projets de recherche en Intelligence Artificielle (IA), Données et Robotique. Sept projets ont été soutenus.

Atelier organisé à FARI
Michel Joop van der Schoor, chercheur postdoctoral en robotique chez Brubotics (Vrije Universiteit Brussel) et à FARI, a relevé le défi en proposant une série de trois ateliers en octobre 2024 à destination des administrations publiques, organisés chez FARI, ainsi qu’une consultation ouverte avec des citoyens dans le cadre du festival « I Love Science » d’Innoviris, à Tour & Taxis. Ces deux initiatives ont exploré le potentiel des robots de service pour la Région de Bruxelles-Capitale.

Dans cet article, Léa Rogliano, responsable du Hub d’Engagement Citoyen (HEC) de FARI, interroge Michel sur son expérience et ses retours. Que cherchons-nous en ouvrant notre recherche à des tiers ? Que peut-on attendre de telles collaborations ? Quelles sont les meilleures méthodes pour obtenir des résultats satisfaisants ? La mission du HEC est de stimuler les échanges entre chercheurs et société civile afin de construire une innovation concertée pour le bien commun. Des interviews sur les autres projets ayant bénéficié de la subvention seront publiées prochainement. Restez connectés !


Léa Rogliano : Que signifie pour vous « IA pour le bien commun » ?

Michel Joop van der Schoor : Pour moi, c’est une promesse : rendre l’IA accessible à tous et responsabiliser les développeurs en les faisant sortir de leurs tours d’ivoire. Cela signifie ouvrir un débat multilatéral sur la façon de procéder, tout en évaluant constamment la situation actuelle, les impacts et les objectifs, car cette technologie a un potentiel disruptif immense (ou l’est déjà).

L.R. : Pouvez-vous résumer l’objectif des quatre événements que vous avez organisés dans le cadre de ce projet de science citoyenne ?

M.J.v.d.S. : Lors du premier atelier, nous avons exploré le Design Thinking et les domaines de Bruxelles en tant que ville intelligente, en utilisant les expériences personnelles des participants pour cartographier les besoins actuels. Pendant le I Love Science Festival, les visiteurs ont voté sur ces besoins formulés en tant que problématiques et ont contribué avec des idées d’utilisation pour les robots. Le deuxième atelier s’est concentré sur la conceptualisation d’idées pour des robots de service répondant aux problématiques les plus votées. Enfin, dans le troisième atelier, nous avons utilisé le prototypage rapide pour développer davantage des concepts de robots de service basés sur les besoins identifiés.

L.R. : Qu’avez-vous tiré de votre collaboration avec des citoyens et des agents publics ?

M.J.v.d.S. : La première chose que je souhaitais, c’était aborder d’autres points de vue : entendre des personnes avec d’autres professions, mentalités, âges et genres parler de robotique et de ses applications possibles en ville. Il s’agissait aussi d’obtenir leur savoir-faire de terrain – cette connaissance que les gens ont grâce à leur travail dans un contexte spécifique. Ces informations sont inestimables pour concevoir un robot, car elles aident à considérer tout ce qui est nécessaire, qu’il s’agisse des exigences, des fonctions ou des petits détails importants pour répondre aux attentes des différents acteurs qui interagiront avec le robot.

Le dernier atelier, axé sur la création de prototypes, m’a particulièrement intéressé. Il m’a donné des idées pour certains robots d’un point de vue technique. Mais surtout, j’ai beaucoup appris en observant comment les participants réfléchissaient à leurs robots. Voir les groupes aborder la tâche différemment de ce que j’aurais fait moi-même m’a fait réaliser à quel point il était précieux de comprendre comment des personnes dans une administration imaginent et construisent leur robot. Mon objectif, après tout, est de concevoir un robot pour eux, et non pour moi-même. J’ai remarqué, par exemple, qu’un groupe trouvait très important que leur robot ait un visage souriant, tandis qu’un autre privilégiait l’adaptabilité en hauteur. En tant que designer, je me concentre souvent sur certaines fonctionnalités qui semblent cruciales au départ, en essayant de les perfectionner. Mais ces éléments peuvent ne pas correspondre aux besoins réels des utilisateurs. Observer leurs attentes en direct permet de ne pas perdre de temps sur des fonctionnalités inutiles.

« Les appareils techniques semblent parfois si complexes et surchargés de fonctions qu’ils finissent par compliquer leur utilisation au lieu de simplifier les choses et d’être efficaces. Nous avons besoin de solutions simples, qui résolvent un problème sans en créer trois nouveaux. » – Participant au Co-Creation Workshop #2 “How do you like your robot?”

Je pense également que les ateliers ont été bénéfiques pour les participants eux-mêmes. Ils ont acquis des connaissances précieuses sur tout le processus, de l’identification d’un problème à la création de concepts et de solutions, en passant par la construction de prototypes et leur évaluation. Traverser ce processus a, je crois, été une expérience d’apprentissage importante pour eux aussi.

Workshop session at FARI

L.R. : Quelles ont été les difficultés rencontrées durant le processus ?

M.J.v.d.S. : Le premier atelier a permis de formuler de bons énoncés de problèmes. Il a rassemblé un large éventail d’idées et identifié les principales problématiques perçues par les participants dans la ville. Cependant, le deuxième atelier a été un peu plus difficile. J’espérais, peut-être naïvement, qu’il en sortirait quelque chose de nouveau ou d’inhabituel, mais ce ne fut pas le cas. Pour atteindre cet objectif, j’aurais dû le formuler plus clairement lors de la phase de conception de l’atelier.

Par ailleurs, lors du dernier atelier, j’ai réalisé à quel point il était difficile de faire comprendre des méthodes peu familières, comme le prototypage de robots. Certains groupes attendaient un retour et, lorsqu’ils m’ont présenté leurs prototypes, j’ai constaté qu’ils n’avaient pas complètement saisi ce que nous attendions d’eux. Après quelques éclaircissements, ils ont proposé des cas d’usage solides. Les participants issus du grand public ont besoin d’indications précises et concrètes. Afin de rendre les tâches plus claires et accessibles, il aurait été utile d’avoir un facilitateur expérimenté par groupe pour les guider dans le processus de prototypage de leur robot.

L.R. : Quels sont pour vous les limites de l’exercice de collaboration avec les citoyens ?

M.J.v.d.S. : La première limite pour moi a été celle de la représentativité. Comme il était impossible d’organiser une série d’ateliers pour des centaines de personnes, nous avons travaillé avec un petit groupe de fonctionnaires qui ne représentaient pas toutes les administrations. De même, notre consultation lors du I Love Science Festival n’était pas représentative de l’ensemble de la ville. Avec cette limite en tête, je me suis souvent demandé si les idées générées correspondaient vraiment à ce que la majorité des gens considèreraient comme de bons problèmes à résoudre.

Avec le recul, je pense que nous aurions été plus productifs si nous avions mené notre recherche avec un groupe de 15 personnes issues d’une seule organisation sur un sujet unique. C’est peut-être parce qu’au tout début, j’imaginais le projet davantage comme un jury citoyen, avant qu’il n’évolue vers des ateliers plus appliqués. J’ai peut-être voulu faire trop de choses à la fois ?

Une autre limite est la difficulté de dépasser l’idéation. Aller au-delà de la proposition d’idées ou de concepts pour travailler sur la conception détaillée est compliqué. Un public non expert a du mal à aborder les aspects techniques : comment construire un robot, comment le développer, quels capteurs sont nécessaires… Je pense qu’il est tout à fait possible de comprendre comment un robot devrait fonctionner et quelles fonctions il pourrait remplir, mais pas aussi simple de déterminer comment le fabriquer. Je dirais qu’il s’agit davantage de savoir quoi faire que de savoir comment le faire.

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L.R. : Quels conseils donneriez-vous aux chercheurs qui souhaitent intégrer les citoyens à leurs recherches ?

M.J.v.d.S. : Mon conseil serait de faire appel à une aide professionnelle. Ce n’était pas la première fois que j’intégrais des citoyens dans mes recherches. J’avais déjà réalisé cet exercice lors d’ateliers avec des travailleurs d’une organisation, dans le but d’imaginer des robots pour leur domaine. Même avec cette expérience, il a été crucial de travailler avec une facilitatrice professionnelle spécialisée en design de services et en design thinking, Diana Schneider, pour cette série d’ateliers. Concevoir ce type d’ateliers est une compétence à part entière. Il faut quelqu’un comme elle, qui sait comment s’y prendre et qui a déjà beaucoup d’expérience.

En tant que chercheur, lorsque vous travaillez avec un médiateur professionnel, vous êtes uniquement responsable du contenu et de la formulation des objectifs à atteindre à la fin de l’atelier. Pour ce qui est de la création de l’atelier en lui-même, le travail d’équipe est inestimable. Je pense que la clé pour un chercheur est d’investir du temps dans la définition des objectifs, de bien réfléchir à ce que vous voulez réellement obtenir de votre travail avec les citoyens, les administrations publiques ou votre public cible, et de chercher de l’aide pour y parvenir.

L.R. : Avez-vous respecté vos objectifs initiaux ?

M.J.v.d.S. : Bonne question. Je pense que oui. Lorsque j’ai rencontré Diana Schneider en septembre, nous avons réfléchi à la manière d’organiser les ateliers et à ce que nous voulions en retirer. Nous pensions aussi qu’il faudrait laisser un peu de temps entre les ateliers pour apporter des adaptations. Finalement, cela n’a pas été nécessaire grâce au travail acharné et à la préparation de Diana.

L.R. : Combien de temps a duré votre processus de travail ?

M.J.v.d.S. : J’ai commencé à réfléchir, planifier et contacter l’équipe de FARI en juillet. Ma première réunion avec Diana a eu lieu en septembre. La préparation a pris deux mois. Mais je dois admettre que nous n’avons pas eu à chercher de participants. Nous avions déjà un public lors du I Love Science Festival. Pour les ateliers avec les administrations publiques, nous n’avons eu qu’à rédiger un texte de motivation convaincant pour l’invitation, et FARI s’est chargé de l’envoi via son carnet d’adresses. Certaines entreprises prennent en charge le recrutement, mais cela a un coût supplémentaire. Cependant, en fonction du profil des participants recherchés dans le cadre de la recherche, cela peut être indispensable.

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