Auteur
Laura Jousset, Carl Morch, Sezen Avci
Les 18 et 19 novembre 2024 s’est tenue la troisième édition de la conférence FARI, dédiée à l’intelligence artificielle (IA), aux données et à la robotique pour le bien commun. Organisée par FARI, l’événement s’est déroulé au Studio Flagey (18 novembre) et à BeCentral (19 novembre). Il a réuni un public varié composé de chercheurs, décideurs politiques, entrepreneurs et citoyens autour d’une question centrale : « L’IA, un bien public ? »
Face aux avancées de l’IA, des données et de la robotique, les interrogations sur leurs impacts éthiques et sociétaux se multiplient. La conférence FARI visait à offrir une plateforme de réflexion critique, permettant aux participants de dialoguer et de collaborer. Ces technologies évoluent-elles dans une direction socialement acceptable et durable ? Comment s’assurer que l’IA profite à tous, et pas seulement à quelques-uns ? Peut-on réellement parler d’une IA, de données et de robotique au service du bien public ?
Plus de 800 participants ont assisté à cet événement de deux jours pour aborder ces questions pressantes, témoignant de l’urgence croissante de ces enjeux. La conférence a accueilli plus de 40 intervenants, avec une parité exemplaire, aussi bien sur scène que dans le public. Cela souligne la nécessité d’une collaboration éthique et d’approches interdisciplinaires pour garantir que l’IA serve l’ensemble de la société.
La journée du 18 novembre était rythmée par des débats et des conférences autour du thème de l’IA en tant que bien public. Des experts de différents domaines ont partagé leurs perspectives, mettant en lumière à la fois les opportunités offertes par l’IA et les défis qu’elle pose.
La journée a débuté par des discours d’ouverture de hauts représentants, dont des membres de la Commission européenne, les recteurs de la VUB et de l’ULB, ainsi que les ambassadeurs de France et d’Allemagne en Belgique. Ces interventions ont souligné l’importance de la collaboration et de l’innovation pour façonner l’avenir technologique de l’Europe, donnant le ton aux discussions à venir.
© Thierry Geenen / FARI – AI for the Common Good Institute
La journée a continué avec six sessions parallèles – trois le matin et trois l’après-midi – accompagnées de trois conférences inspirantes, chacune explorant le thème de l’événement sous un angle différent.
En clôture de cette journée, Karen Boers, directrice de FARI, a prononcé un discours marquant, revenant sur les réalisations de l’institut et sur l’importance de cet événement. Un moment fort a été la remise des diplômes à la première promotion du programme postuniversitaire de FARI, symbole de l’engagement de l’institut pour l’éducation en IA. L’ambassadeur des Pays-Bas a également exprimé son soutien, renforçant la reconnaissance internationale croissante des contributions de FARI à la recherche et au développement en IA.
Au-delà des débats, la conférence proposait des expériences interactives enrichissantes. Notre centre de tests et d’expériences a déplacé ses démonstrations pour l’occasion, permettant aux participants de découvrir des technologies innovantes et leurs applications concrètes. Une salle dédiée à l’art, conçue en collaboration avec des artistes locaux, explorait l’intersection entre IA et créativité. Enfin, des stands tenus par nos partenaires permettaient d’échanger sur les dernières innovations et services à Bruxelles.
La conférence a débuté par des discours inspirants de Mireille Hildebrandt, professeure émérite à la Vrije Universiteit et à l’Université Radboud, et de Theresa Zueger, responsable du groupe allemand de recherche sur l’IA d’intérêt public.
La professeure Mireille Hildebrandt a appelé à une approche plus réfléchie et mesurée de l’innovation en matière d’IA. Elle a posé trois questions essentielles à la recherche en IA : Quels problèmes l’IA peut-elle résoudre ? Quels sont ceux qu’elle ne peut pas résoudre ? Et quels nouveaux défis pourrait-elle engendrer ? Elle a insisté sur l’importance d’intégrer le droit, la démocratie et la justice dans le développement de l’IA, en plaidant pour des systèmes d’IA qui donnent la priorité au bien-être public plutôt qu’aux intérêts privés. Critiquant la course à l’innovation technologique pour rivaliser avec les États-Unis, elle a défendu une approche européenne axée sur une IA fiable, capable de résoudre des problèmes sans en créer de nouveaux. Dans certains cas, a-t-elle soutenu, il pourrait être préférable de ne pas déployer certaines technologies.
Dans sa présentation, Theresa Zueger a souligné l’importance d’un langage clair et précis, en particulier dans la définition de termes comme « intérêt public », afin de garantir que les projets d’IA soient alignés sur des valeurs éthiques et sociétales. Elle a présenté cinq critères essentiels pour une IA responsable : responsabilité, équité, participation, validation et durabilité. Zueger a insisté sur la nécessité de la collaboration, d’une gouvernance inclusive, de la transparence et de la confiance pour s’assurer que l’IA serve le bien commun.
La journée s’est conclue par une intervention de Yoshua Bengio, pionnier du deep learning. Bengio a abordé le développement responsable des technologies d’IA, en insistant sur l’importance de la transparence, de l’équité et de la responsabilité dans les systèmes d’IA. Il a également exploré le potentiel transformateur de l’IA pour relever des défis mondiaux tels que le changement climatique et les inégalités. Son message a parfaitement résonné avec le thème central de la conférence : l’IA doit être exploitée comme un outil au service du bien commun.
Les discussions en panel lors de la Conférence FARI 2024 ont exploré le potentiel transformateur et les défis liés à l’IA, aux données et à la robotique dans les services publics et les contextes sociétaux.
La session intitulée « Évaluer l’IA, les données et la robotique dans les missions de service public » a mis en lumière l’importance de la transparence et de la responsabilité dans l’utilisation de ces technologies. Les intervenants ont souligné les opportunités qu’offre l’IA pour améliorer l’efficacité et la qualité des services publics tout en rappelant les préoccupations éthiques qu’elle suscite. La confiance du public a été identifiée comme un élément central, avec un appel à un cadre garantissant l’équité, limitant les biais, et alignant les technologies sur les valeurs sociétales. La sensibilisation et l’implication du public doivent guider l’intégration de ces outils dans la gouvernance.
Lors du panel « De l’innovation privée aux bénéfices publics », les échanges ont porté sur les défis de la transition des innovations du secteur privé vers des bénéfices concrets pour la collectivité. Les participants ont exploré le rôle de l’IA dans l’optimisation de la mobilité urbaine et de l’action climatique, en s’appuyant sur des technologies capables de répondre aux enjeux de durabilité, de sécurité et de congestion. Les robots ont également été présentés comme des outils précieux pour renforcer les services publics. Cependant, les débats ont révélé les obstacles liés à l’acceptation par le public et la nécessité de stratégies de communication efficaces pour garantir le succès de ces technologies.
Cette session a insisté sur la levée des barrières liées à l’infrastructure et à la gestion des données, en particulier dans les régions sous-financées. L’accès équitable à la recherche en IA a été identifié comme une priorité, afin que des secteurs tels que la santé et l’éducation puissent bénéficier des avancées. Les intervenants ont souligné l’importance de trouver un équilibre entre ouverture de la recherche et protection des données sensibles, tout en appelant à la création de réseaux et de partenariats inclusifs pour réduire les biais dans la recherche et maximiser l’impact sociétal des innovations en IA.
Les discussions autour de la régulation de l’IA en Europe ont mis en évidence la nécessité de cadres juridiques conciliant innovation et respect des normes éthiques. Face à la compétition mondiale, les intervenants ont appelé à renforcer l’infrastructure européenne pour éviter une dépendance aux fournisseurs non européens. Les régulations de l’UE doivent garantir des technologies centrées sur l’humain, fiables et en adéquation avec les valeurs européennes, tout en anticipant les défis futurs, comme l’avènement de l’informatique quantique.
Le thème de la collaboration intersectorielle a dominé la session « Travailler ensemble ». Les experts ont insisté sur l’importance de la coopération entre citoyens, entreprises, gouvernements et chercheurs pour assurer un développement éthique et inclusif de l’IA. Parmi les solutions avancées figuraient la participation publique tout au long du cycle de vie des technologies et la reprise du contrôle sur les données. L’intégration de perspectives diversifiées a été identifiée comme essentielle pour concevoir des systèmes profitant à l’ensemble de la société.
La session « Futurs créatifs » a exploré le rôle de l’IA, des données et de la robotique dans la culture et les arts, en montrant comment ces technologies peuvent enrichir la créativité tout en maintenant les créateurs humains au cœur du processus. Les exemples abordés allaient de la transformation des expériences culturelles via la réalité augmentée à l’amélioration des jeux pour enfants. Les intervenants ont souligné que si l’IA peut générer de nouvelles idées, ce sont les humains qui en orientent et façonnent l’utilisation, ouvrant ainsi la voie à des expériences culturelles innovantes et accessibles.
La Conférence FARI à Bruxelles, le 19 novembre, a proposé une série variée d’événements organisés par des partenaires autour du thème « L’IA, un bien public ? ». Cette journée a exploré le rôle de l’IA dans les politiques publiques, l’innovation et l’engagement citoyen, avec la participation d’institutions européennes, d’entreprises privées, d’organisations de recherche et d’acteurs internationaux.
Parmi les thèmes clés, on retrouve le rôle des jumeaux numériques dans le développement urbain, montrant comment des villes à travers le monde intègrent les citoyens dans des solutions face à des défis comme la mobilité et la qualité de l’air. Ces discussions ont ouvert la voie à des échanges sur la manière dont la technologie peut soutenir un changement urbain durable.
La gouvernance et l’innovation ont également occupé une place centrale, avec un accent sur les partenariats public-privé-académiques pour repenser l’administration publique. Les sessions ont mis en lumière le potentiel des jumeaux numériques locaux (LDTs) pour accélérer la transition vers des quartiers à énergie positive (PEDs), ainsi que l’importance de l’éducation à l’IA pour encourager une innovation responsable.
Un autre point fort de la journée concernait la mise en œuvre concrète de l’IA via des sandboxes d’innovation, où des experts ont partagé des bonnes pratiques pour tester ces technologies de manière sûre et responsable. L’art et la créativité ont également été abordés, explorant les limites de l’innovation alimentée par l’IA et son potentiel à transformer les industries créatives.
Enfin, la journée a souligné le rôle de l’IA et des données dans le soutien à une innovation durable, avec des discussions sur l’IA écoresponsable, la réutilisation des données et la collaboration entre PME et instituts de recherche. La remise des diplômes de l’accélérateur d’IA de FARI a mis en avant le potentiel des startups en IA pour impulser un changement sociétal, en insistant sur le rôle transformateur de l’IA pour façonner un avenir équilibrant progrès technologique et considérations éthiques.
Les partenaires organisateurs de cette journée comprenaient CitCom.ai, hub.brussels, le Bureau des affaires de désarmement des Nations unies (UNODA), le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), CAIRNE, Make.org, ifok GmbH, Gluon, l’infrastructure de test en mégadonnées de la Commission européenne (BDTI), Eurocities, Open & Agile Smart Cities (OASC), VUB BUDA, SustAIn.brussels et The Data Tank, parmi beaucoup d’autres. Ces partenaires ont joué un rôle clé en organisant et en facilitant les discussions, en favorisant la collaboration et en faisant avancer le débat sur l’IA en tant que bien public.
Les sessions de la Conférence FARI 2024 ont adressé le rôle croissant de l’IA dans différents secteurs. Parmi les principales réflexions soulevées :
– L’IA comme bien commun : Face à l’influence grandissante de l’IA, comment élaborer des politiques et des cadres garantissant qu’elle serve l’intérêt général, tout en évitant d’aggraver les inégalités ou de porter atteinte à la vie privée ?
– L’éthique de l’IA dans la société : Alors que les systèmes d’IA façonnent de plus en plus notre quotidien, comment concilier les avancées technologiques rapides avec des considérations éthiques telles que l’équité, la dignité et la responsabilité ?
– Le rôle de l’IA dans la durabilité : Comment les innovations portées par l’IA peuvent-elles accélérer les efforts de durabilité dans les villes ? Quels obstacles devons-nous surmonter pour garantir leur adoption réussie dans des contextes urbains variés ?
– IA et créativité humaine : À mesure que l’IA s’intègre davantage dans les domaines créatifs, une question se pose : l’IA peut-elle réellement reproduire la créativité humaine ou reste-t-elle un simple outil au service de l’expression humaine ? Cela invite à repenser les frontières entre art humain et art généré par la machine.
Pendant deux jours, experts, décideurs et citoyens ont débattu d’une question centrale : l’IA peut-elle réellement être un bien commun ? Les enseignements tirés de la FARI Conférence FARI 2024 offrent une base importante pour façonner un avenir où l’IA améliore le bien-être et répond aux défis locaux et globaux.
FARI reste déterminé à promouvoir une innovation responsable, à veiller à ce que l’IA bénéficie à la société, et à transformer la question « L’IA pour le bien commun ? » en affirmation : « L’IA pour le bien commun ! »
Les enregistrements de certaines sessions du 18 novembre sont disponibles sur la chaîne YouTube de FARI. Rendez-vous au second semestre 2025 pour de nouvelles discussions et avancées. Inscrivez-vous à notre newsletter pour ne pas manquer l’annonce de la Conférence FARI 2025 !
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